Comment Marks Spencer a perdu le cur des Britanniques
La chaîne britannique, si elle demeure la première du Royaume-Uni dans l'habillement, n'est plus, depuis longtemps, cette institution incontournable aimée des classes moyennes, qui résumait à elle seule l'humeur du pays.
Mardi 9 juillet, en publiant ses résultats du premier trimestre de l'année fiscale (avril à juin), Marks & Spencer a confirmé cette tendance.
Pour le huitième trimestre consécutif, ses ventes à magasins comparables dans l'habillement ont reculé, de 1,6 %. L'alimentaire progresse, de même que les ventes sur internet et à l'international, permettant au chiffre d'affaires total de progresser de 3,3%.
Le groupe reconnaît que la conjoncture est "difficile" et se dit "prudent" pour ses perspectives à court terme. Si bien que l'assemblée générale annuelle, qui se déroule mardi, s'annonce mouvementée.
Marc Bolland, le directeur général depuis trois ans, n'est pas encore menacé de perdre son poste, mais il est désormais en probation.
Avec 766 magasins au Royaume-Uni et 418 à l'étranger, Marks & Spencer propose un étrange concept, à mi-chemin entre le supermarché et le magasin de vêtement : à moitié alimentaire, à moitié habillement et produits pour la maison, il ne vend que ses marques propres, à quelques rares exceptions près.
RUDE COUP POUR LA PROFITABILITÉ DU GROUPE
Cette formule, qui a longtemps fait son succès, est désormais sous pression. L'enseigne ne s'est jamais vraiment remise de l'émergence depuis une quinzaine d'années de la "fast fashion", cette technique utilisée par les grandes chaînes comme Top Shop et Zara qui consiste à "s'inspirer très vite des nouvelles collections de haute couture pour en faire des produits similaires mais peu chers.
Peinant à suivre, Marks & Spencer se retrouve désormais avec une image poussiéreuse, qui se reflète chez ses clients : plus de la moitié ont plus de 55 ans.
La crise économique et l'émergence de la concurrence d'internet sont venues se rajouter à ce contexte difficile. Si bien que la profitabilité du groupe en a pris un coup : son bénéfice avant impôt a reculé de 40% depuis 2007.
M. Bolland a répliqué en recrutant une nouvelle directrice de la mode, Belinda Earl, qui a longtemps été aux manettes de la marque haut de gamme Jaeger. Sa première collection, qui sera en magasin dans les semaines qui viennent, a reçu les applaudissements de la presse de mode, mais il reste encore à traduire cela dans les ventes.
Le patron de Marks & Spencer s'est également lancé dans un vaste plan pour restructurer ses offres en ligne. Le site, qui était sous-traité par Amazon, est désormais géré en direct. Son réseau de cent entrepôts locaux est entièrement revu, pour n'en garder que trois géants.
"Actuellement, quand vous commandez en ligne trois vêtements, ceux-ci peuvent venir de trois entrepôts différents, qu'il faut rassembler et envoyer. Ce n'est pas efficace", confiait récemment son président, Robert Swannell, au "Financial Times".
Enfin, M. Bolland veut se développer à l'international. Marks & Spencer est présent dans 51 pays avec 418 magasins, y compris deux en France, en région parisienne. Mais cette partie du groupe ne compte que pour 10 % du chiffre d'affaires.
Eric Albert (Londres, correspondance)